Comprendre l’IGP : Origines, définition et cadre européen

L’Indication Géographique Protégée (IGP) fait partie intégrante des Signes d’Identification de la Qualité et de l’Origine (SIQO) en France, au même titre que l’AOP (Appellation d’Origine Protégée), le Label Rouge ou l’Agriculture Biologique. Créée en 1992 par l’Union européenne, l’IGP vise à reconnaître et à valoriser un lien fort entre un produit et son territoire d’origine, sans pour autant imposer que toutes les phases de production aient lieu dans la zone géographique concernée, contrairement à l’AOP.

L’IGP protège le nom d’un produit dont une caractéristique, une réputation ou une qualité peut être attribuée à son origine géographique. Cette reconnaissance s'appuie sur une procédure stricte, contrôlée par l’INAO (Institut national de l’origine et de la qualité) en France. Au-delà d’un logo, l’IGP confère force légale et reconnaissance institutionnelle au terroir et à ceux qui le font vivre.

  • En 2023, la France comptait 254 IGP agroalimentaires et 75 IGP viticoles (Source : INAO).
  • L’IGP représente plus de 15 000 exploitations agricoles et artisanales françaises (Source : Ministère de l’Agriculture).
  • En 2022, les produits IGP ont généré un chiffre d'affaires de 12,6 milliards d’euros rien qu'en France (Source : INAO).

Protéger le terroir : Un enjeu au-delà de la géographie

L’empreinte du climat, du sol et du savoir-faire humain

Un terroir n’est pas qu’une simple zone géographique : il associe un écosystème naturel (sol, climat, flore) à une histoire culturelle et sociale. L’IGP valorise cette combinaison unique en encadrant la production, la transformation ou l’élaboration d’un produit dans une aire délimitée.

Pour prendre l’exemple du Piment d’Espelette IGP (Pays Basque), l’IGP n’impose pas que toutes les étapes, comme le conditionnement, soient réalisées in situ : le séchage ou la mouture peuvent avoir lieu à proximité. Ce sont cependant le climat atlantique doux, l’humidité et le savoir-faire ancestral des producteurs qui confèrent au piment ses caractéristiques distinctives.

La notion de terroir est également culturelle : la saucisse de Morteau IGP ne doit son goût fumé caractéristique qu’aux ateliers francs-comtois et à leur technique de fumage spécifique dans des tuyés, lesquelles font partie intégrante du patrimoine local (Source : Association de Défense et de Promotion des Charcuteries IGP de Franche-Comté).

L’IGP : Un levier de protection réglementaire et commerciale

Lutter contre l’usurpation et la contrefaçon

L’un des rôles majeurs de l’IGP est de protéger les producteurs contre la concurrence déloyale : l’utilisation abusive d'un nom géographique peut porter préjudice, brouiller l'image d’un produit et affaiblir sa valeur. L’IGP garantit que seul un produit respectant le cahier des charges établi peut porter son nom ; un fromage ne peut être vendu sous l’appellation Emmental de Savoie IGP s’il ne respecte pas les étapes de production fixées par la filière.

  • En 2022, plus de 1 000 interventions de la DGCCRF ont visé la lutte contre l’usurpation des SIQO, dont près de 37 % concernaient l’IGP (Source : DGCCRF).
  • L’IGP assure ainsi une protection juridique (au sein de l’UE et, parfois, dans des accords internationaux) permettant des retraits de produits frauduleux.

Sécuriser la réputation de produits emblématiques

Lorsque l’IGP protège un produit, elle protège aussi une réputation régionale patiemment construite. Les cas du Pruneau d’Agen IGP ou encore du Jambon de Bayonne IGP illustrent bien cette complémentarité entre préservation commerciale et valorisation du territoire.

L’ancrage territorial est tel que 91 % des consommateurs français associent intuitivement la mention IGP à une garantie d’origine et de qualité (Source : Observatoire SIQO 2023 / FranceAgriMer).

Transmettre et faire vivre les savoir-faire locaux

Une dynamique de filière et d’innovation

L’obtention d’un signe IGP ne consacre pas uniquement une tradition : elle stimule aussi la structuration et la transmission d’un savoir-faire. Les producteurs sont tenus de respecter un cahier des charges précis, contrôlé régulièrement par des organismes certificateurs agréés.

  • Des formations internes et des réunions annuelles sont organisées pour assurer le respect et l’évolution des pratiques.
  • Les jeunes agriculteurs et artisans sont ainsi formés à la tradition tout en intégrant des innovations adaptées au contexte local.
  • Les cahiers des charges peuvent être actualisés afin de mieux répondre aux attentes en matière d'écoresponsabilité (abandon de certains additifs, méthodes de culture alternatives, etc.).

Un exemple frappant concerne l’Olive de Nîmes IGP où la filière a intégré des pratiques de culture plus respectueuses des sols calcaires et de la biodiversité régionale (Source : AFIDOL).

Une attractivité économique et sociale renforcée

Les IGP jouent un rôle crucial dans la vitalité économique des territoires ruraux. Elles permettent de maintenir des emplois non délocalisables, d’assurer la transmission des emplois agricoles et artisanaux, et d'inciter à l'installation de nouveaux producteurs.

  • Un produit IGP se vend en moyenne 25 % à 35 % plus cher que son équivalent non attesté (Source : FranceAgriMer, rapport 2023).
  • En Occitanie, près de 6 000 emplois directs sont liés aux filières IGP (Source : Région Occitanie).

À titre d’illustration, la Noix de Grenoble IGP a contribué à redynamiser des vallées entières en Isère grâce à la création d’emplois saisonniers, l’essor du tourisme gastronomique et l’ouverture de circuits courts entre producteurs et consommateurs.

Une valorisation internationale du patrimoine français

Contrairement à l’AOP, l’IGP s’est imposée comme vecteur stratégique pour l’exportation. Son label offre un marqueur clair de provenance et de qualité sur des marchés où la réputation française fait vendre. Vin, charcuterie, fromages, fruits… Plus de 54 % des ventes d’IGP françaises étaient destinées à l’export en 2022 (Source : INAO).

  • Le Vin de Pays d’Oc IGP, première IGP viticole française, représente à lui seul 50 % des exportations de vins IGP du pays.
  • La Moutarde de Bourgogne IGP – relancée en grande partie pour lutter contre l’importation de graines étrangères et la confusion autour du nom “moutarde de Dijon” – a vu ses volumes progresser de 25 % en quatre ans sur le marché européen (Source : AFIDOL, Observatoire IGP).

Perspectives et défis : entre protection et adaptation

Le modèle IGP français inspire désormais d’autres pays, aussi bien en Europe qu’à l’international, pour défendre leurs produits locaux face à la standardisation alimentaire. Face aux enjeux climatiques et à la mondialisation croissante, la flexibilité du cahier des charges IGP permet d’adapter les pratiques sans renier la tradition.

Parmi les défis à venir :

  • Accompagner la transition écologique tout en préservant l'identité des produits ;
  • Améliorer la lisibilité du label auprès du grand public — une IGP reste parfois moins connue qu’une AOP : selon Kantar 2022, 76 % des Français identifient l’AOP, contre 44 % seulement pour l’IGP ;
  • Défendre la reconnaissance de l’IGP Extra-UE, alors que plus de 3 200 IGP sont désormais enregistrées au niveau européen (Source : Commission européenne, 2023).

Vers une identité préservée et partagée

L’Indication Géographique Protégée s’est imposée comme un outil agile et puissant pour défendre les terroirs français, leurs produits emblématiques et leur mémoire vivante. Elle structure des filières, sécurise la réputation collective et offre une réponse moderne aux attentes de transparence et d’authenticité. Si ses enjeux évoluent, l’IGP reste au cœur de la stratégie française de préservation des savoir-faire et de développement rural, tout en favorisant l’écoute active des besoins des consommateurs et des acteurs locaux.

Pour approfondir le sujet, les rapports annuels de l’INAO, de FranceAgriMer et de la Commission européenne sont des ressources incontournables pour suivre l’évolution, les succès et les défis des IGP françaises et européennes.