Comprendre l’IGP : définition et cadre réglementaire

L’Indication Géographique Protégée (IGP) représente, avec l’Appellation d’Origine Contrôlée (AOC), l’un des grands repères de qualité et d’authenticité du patrimoine agroalimentaire et viticole français. Introduite à l’échelle européenne en 1992, l’IGP vise à garantir l’origine géographique d’un produit dont au moins une étape de production, de transformation ou d’élaboration a lieu dans une aire déterminée (Règlement (UE) n° 1151/2012).

  • L’IGP n’exige pas que toutes les étapes se déroulent dans l’aire géographique (contrairement à l’AOP/AOC), mais implique un lien avéré et objectif entre le produit et son territoire.
  • Elle s’applique à une grande diversité de produits : vins, fruits et légumes, viandes, produits laitiers mais aussi huiles d’olive ou encore miel.

Concrètement, une IGP est accordée par la Commission européenne après examen d’un cahier des charges et d’un dossier relatant l’histoire, la spécificité et la notoriété du produit. En France, l’INAO (Institut National de l’Origine et de la Qualité) sert d’interface (INAO).

L’IGP en chiffres : poids, diversité et répartition en France

La France est le pays européen qui recense le plus grand nombre d’IGP. Selon le Ministère de l’Agriculture, on en dénombre en 2024 :

  • 261 IGP pour les vins (dont IGP Pays d’Oc, IGP Val de Loire…), couvrant près de 30% du vignoble national (FranceAgriMer).
  • 143 IGP agroalimentaires, toutes filières confondues (charcuteries, volailles, fruits, légumes, etc.).
Filière Exemples d’IGP Part de la production
Vin IGP Côtes de Gascogne, IGP Atlantique Plus de 12 millions d’hectolitres/an
Charcuterie Jambon sec de Savoie, Saucisse de Montbéliard Environ 30 % de la production nationale de jambon sec
Fruits & légumes Pomme du Limousin, Asperge des Sables des Landes Plus de 300 000 tonnes/an sous IGP

Les IGP contribuent au dynamisme économique régional : en valeur, elles pèsent plus de 8 milliards d’euros annuels à l’export pour la France, notamment grâce aux vins et spiritueux (Douane.gouv.fr).

Quelles différences entre IGP, AOP/AOC et Label Rouge ?

Pour mieux saisir l’enjeu spécifique de l’IGP, il est utile de la situer par rapport aux autres signes de qualité français, notamment l’AOP/AOC et le Label Rouge.

  • AOP/AOC (Appellation d’Origine Protégée/Contrôlée) : tous les stades de production, de la matière première à la transformation, ont lieu dans une aire géographique définie. La notion de terroir est au cœur du cahier des charges.
  • IGP : une plus grande souplesse : seule une des étapes principales doit être réalisée dans la zone indiquée, mais le lien au territoire reste essentiel.
  • Label Rouge : met en avant la qualité supérieure du produit, mais sans exigence d’ancrage géographique. Un jambon Label Rouge peut n’avoir aucun lien avec un terroir spécifique.

L’IGP se singularise ainsi comme un compromis valorisant le lien au territoire, sans les exigences d’intégralité territoriale de l’AOC, ce qui explique sa grande adaptation à des produits transformés, à des terroirs plus vastes ou répartis sur plusieurs départements.

Quels sont les bénéfices de l’IGP pour les producteurs et les consommateurs ?

Une protection juridique et une valorisation économique

  • Protection contre les usurpations : L’IGP protège légalement le nom du produit sur tout le territoire européen : nul ne peut utiliser « Poulet de Bresse » ou « IGP Pays d’Oc » sans respecter le cahier des charges. C’est un filet pour les filières exposées à la concurrence et à la fraude, notamment sur les marchés internationaux (source : INAO).
  • Création de valeur ajoutée locale : Une étude de l’INAO en 2021 souligne que la valeur ajoutée à la production peut dépasser +30 % pour certains produits sous IGP vs leur équivalent non certifié (ex : pruneaux d’Agen IGP, agneau du Quercy IGP…).

Un repère de confiance pour le consommateur

  • Traçabilité : Chaque lot est identifié et les opérateurs sont contrôlés régulièrement. La mention IGP sur un produit garantit un processus audité, de la matière première au conditionnement.
  • Respect d’un savoir-faire régional : Le cahier des charges formalise une tradition, une recette, une typicité, que l’on retrouve dans les produits finis. Pour les vins par exemple, l’IGP Côtes de Gascogne impose un assemblage spécifique de cépages adaptés au climat gascon.

Des emplois préservés sur tout le territoire

Les filières IGP représentent près de 40 000 exploitations agricoles et l’on estime à plus de 300 000 emplois directs et indirects liés à ces productions (source : CNAOL). Plusieurs bassins ruraux, parfois enclavés, vivent aujourd’hui d’une forte dynamique locale impulsée par la notoriété d’une IGP (exemple : Échiré et son beurre IGP, la Sologne et ses pommes de terre IGP).

Focus : l’IGP dans la viticulture française

Un statut clé pour les vins de pays et de cépage

Dans le secteur viticole, l’IGP correspond depuis 2009 à la nouvelle dénomination des anciens « vins de pays ». Elle permet une grande diversité de profils : monocépages, assemblages, vins tranquilles, effervescents ou moelleux. Parmi les 261 IGP viticoles françaises, certaines sont à cheval sur plusieurs départements, favorisant l’innovation et l’adaptation à la demande des marchés étrangers.

  • Exemple IGP Pays d’Oc : Premier IGP viticole européen avec près de 6 millions d’hectolitres/an, regroupant plus de 120 cépages. En 2022, 58 % de la production a été exportée, principalement vers l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Chine (chiffres Pays d’Oc).
  • IGP Atlantique : Couvre toute la Nouvelle-Aquitaine et fédère plus de 160 entreprises. Elle permet de valoriser des cépages locaux moins connus, tout en s’adaptant à de nouveaux modes de consommation (blancs fruités, rosés légers).

Pour les producteurs, l’IGP limite la standardisation, assure la protection des mentions traditionnelles et accompagne une montée en gamme cohérente avec les attentes sociétales et environnementales (baisse des intrants, adaptation au changement climatique).

Des contrôles rigoureux, un impact environnemental suivi

L’obtention d’une IGP viticole implique de respecter des règles précises : limitation de rendement à l’hectare, choix de cépages autorisés, traçabilité parcellaire… Depuis 2018, plusieurs cahiers des charges IGP ont intégré des clauses environnementales (obligation d’enherbement, réduction des produits phytosanitaires, développement de pratiques agroécologiques).

D’après l’Observatoire français des IGP, les exploitations viticoles sous IGP ont diminué leur usage de pesticides de 15 à 30 % sur la décennie 2010-2020 dans certaines régions, sous l’effet conjugué des réglementations et de la pression des consommateurs.

IGP et rayonnement international : un enjeu stratégique pour la France

Au-delà du marché national, l’IGP est un outil d’affirmation des savoir-faire français à l’export. Depuis l’application du système européen, les IGP françaises bénéficient d’une protection juridique dans 115 pays via l’Organisation Mondiale du Commerce, ce qui limite les contrefaçons.

  • 80 % des IGP françaises sont connues sur les marchés européens, notamment en Belgique, Allemagne et Pays-Bas (Ministère de l’Économie).
  • Les vins IGP représentent 40 % des volumes exportés de vins français, soit une part majeure du PIB agricole (source : FranceAgriMer).
  • L’IGP assure également une reconnaissance dans les accords internationaux, comme celui UE-Chine de 2020 qui protège près de 100 IGP françaises sur le marché chinois (incluant Roquefort, Comté, Cognac…).

Les IGP sont, pour la plupart des filières, un passeport essentiel sur des marchés où la notion d’authenticité prend une dimension stratégique face aux copies ou à la concurrence des produits de masse.

Perspectives : évolution de l’IGP et attentes sociétales

Face aux défis du changement climatique, aux exigences des consommateurs pour plus de transparence, l’IGP continue d’évoluer. Plusieurs syndicats d’IGP militent pour l’intégration de critères sociaux (méthodes de production, bien-être animal) et environnementaux renforcés dans les cahiers des charges. Par ailleurs, la digitalisation facilite la traçabilité des lots, renforçant la confiance du public.

À horizon 2030, l’IGP devrait gagner en visibilité, notamment pour des produits du quotidien (pain, farine, légumes transformés), mais aussi à l’export grâce au développement d’accords bilatéraux. C’est l’une des réponses pour conjuguer valorisation du terroir, développement durable et compétitivité.